ÉDITO
La séquence parlementaire du 27 novembre, portant sur la nationalisation d’ArcelorMittal (15 000 salariés en France dont 2 000 à Florange), est plus complexe à décrypter qu’il n’y paraît. Au-delà du débat sur l’efficacité économique d’une telle mesure, et sur ses conséquences sociales, et au-delà de la confrontation idéologique entre les groupes politiques, notamment sur le rôle d’un État et sa capacité – ou pas – à enfiler l’habit de capitaine d’industrie, la question charrie un mythe et des symboles puissants.
L’acier en Lorraine, c’est une culture, une industrie fondatrice de souveraineté nationale et porteuse de savoir-faire anciens et précieux. L’acier, c’est une fierté, une succession de conquêtes techniques, un combat presque permanent d’ouvriers ballottés entre les plans et les promesses.
Les promesses non tenues vieillissent ici comme des hautes trahisons, tant le sujet est sensible. L’État a beaucoup aidé ArcelorMittal, à coup d’aides publiques. De son côté l’aciériste s’était engagé sur de lourds investissements pour décarboner. Mesure ajournée, puis partiellement relancée. Le patron d’ArcelorMittal s’en tient aujourd’hui à la promesse d’une « neutralité carbone en 2050 ». En attendant, le plan social annoncé en avril (636 postes supprimés dont 194 à Florange, des chiffres qui ont évolué depuis) est toujours dans les tuyaux.
Dans le même temps, la Moselle fait face aux difficultés de NovAsco (ex-Ascometal). Le site d’Hagondange (434 salariés), le plus important du groupe, est promis à la liquidation. « Patron voyou » comme beaucoup le nomment, le fonds d’investissement britannique Greybull devait en 2024 engager 90 millions et l’État 85 millions.
L’État a tenu sa promesse, Greybull n’a lâché qu’un million et demi, posant une nouvelle fois la problématique des aides publiques ; l’argent des autres, aurait dit Christian de Chalonge, réalisateur du film sur le scandale de la Garantie financière, en 1971, où de grands banquiers jouent avec l’argent de petits épargnants. Car il s’agit bien de cela, certains jouent… et pas seulement avec l’argent mais avec la vie des autres. « L’impunité pour les fonds d’investissement, c’est terminé », a promis le ministre de l’Industrie. De son côté, le président du Département de la Moselle, Patrick Weiten, s’est dit « révolté » : « ce n’est pas un aciériste, c’est un banquier ». Et a souligné opportunément ce qui fait toujours et encore battre les cœurs mosellans : « Quand on touche à l’acier, on touche au socle même de notre histoire ». Une histoire de dignité et de mains d’or face au pouvoir de l’argent.






