Qui ne connaît pas Mohamed Arbia, alias Momo, ne connaît pas vraiment Metz. Il est le patron du Theatris Bar, place de la comédie, situé dans le même bâtiment que l’illustre opéra-théâtre, réputé « plus ancien théâtre encore en activité en France ».
Décrire le Theatris relève presque de la gageure. On peut commencer par en dire des tonnes sur son décor intérieur et son environnement fabuleux, quasi le même que celui du marquis de La Fayette participant en 1775 au célèbre « souper de Metz » où le jeune homme dit qu’il prend fait et cause pour Washington et les Insurgés américains. On peut rajouter une couche sur sa vaste terrasse, garantie 100% efficace pour un bronzage régulier et offrant une vision directe sur plusieurs des plus beaux éléments du patrimoine de la ville, cathédrale, temple, place de la comédie. On peut en remettre une louche sur sa belle carte de vins, rhums et whiskies, sa cave à cigares, fournie elle aussi. On peut ajouter un mot sur sa clientèle, « le midi, essentiellement des clients des institutions alentour, DRAC, préfecture, Conseil départemental… et les limitrophes des îles. Le soir, c’est différent, c’est une clientèle qui sort et c’est évidemment la clientèle du théâtre » à laquelle s’ajoutent les fumeurs de Havane et la flopée des people (passés par là pour cause de représentation théâtrale ou musicale), « les chanteurs, les comédiens, les ténors de renommée internationale », les Brasseur, Dreyfus, Bohringer ou, il y a quelques jours, la pétillante Clémentine Célarié. On peut raconter aussi ses assiettes apéro et ses menus parés de quiches lorraines, tourtes au saumon, croque-monsieur ou foccacia. Mais il faut commencer par le commencement, décrire Momo – autre pari fou – honorable membre du club des patrons de bar qui portent l’image de leur établissement. L’Algérois, grandissant à Joeuf, à l’origine voulait être chevalier. Il sera d’abord coiffeur pour dames, requérant à l’occasion de l’esprit chevaleresque. Momo tient par la suite la barre de plusieurs bars, à Joeuf, à l’Amiral, où il organisait « des soirées punk rock métal flamenco jazz », puis à Nancy et Metz, y compris dans le restaurant mitoyen, El Theatris, où Mohamed Arbia officie pendant deux ans comme maître d’hôtel. Les deux institutions sont toujours associées. L’oiseau voyage, fait étape à l’association des barmen de France, avant de se poser au Theatris. Aux côtés de sa responsable de bar, Anaïs Lagnier, il rappelle les fondamentaux : « barman, c’est un état d’esprit, il faut d’abord posséder un réel sens de l’accueil et de l’hospitalité. C’est tout simplement du savoir-vivre, l’expression de l’élégance à la française ». Une attitude ici rehaussée par un esprit de famille : « On est une entreprise familiale, on se parle, on se téléphone, on s’engueule mais on s’aime et on se serre les coudes, c’est la vraie vie, quoi ». Anaïs complète : « On prend soin les uns des autres ». Grand-père deux fois, de Kaïs et Jaden, Momo ne fait pas son âge – 57 ans – et chérit la vie de famille, « c’est mon équilibre, ma soupape, on a besoin d’être ensemble, de se faire des crêpes ou des pâtes ». Il refuse l’idée de se blaser et s’émerveille de tout, de la beauté de Metz – « c’est d’abord la richesse du patrimoine messin qui m’a donné envie de rester ici » – ou de la bonté de ses contemporains, de la maison Fleurine, avenue de Nancy, par exemple, « qui m’a embauché pendant le confinement et la fermeture des bars. Je faisais des livraisons de fleurs et c’est grâce à eux que j’ai gardé le lien social et mon sourire permanent. C’est aussi là que j’ai rencontré Thiago, un Péruvien qui travaille aujourd’hui ici. Je n’oublie pas le geste de Fleurine et à l’occasion je vais toujours leur prêter main forte ». Chevalier un jour, chevalier toujours.