Aux Assises des Départements de France, organisées à Albi la semaine dernière, la crise budgétaire des collectivités départementales a été portée au plus haut niveau de l’État. Face au Premier ministre Sébastien Lecornu, les élus ont dénoncé une situation devenue intenable et réclamé un soutien d’urgence. Présent, Patrick Weiten, Président du Département de la Moselle y a rappelé ses priorités : financement pérenne, protection de l’enfance, reconnaissance stratégique des départements.
Les 94ᵉ Assises des Départements de France ont pris un relief particulier cette année. À Albi, où les élus se réunissaient depuis trois jours, la venue du Premier ministre Sébastien Lecornu a donné au rendez-vous une dimension politique inhabituelle. En s’adressant directement aux présidents de départements, il a mesuré l’ampleur d’une crise financière que nombre d’entre eux jugeaient désormais incontrôlable. Dès l’ouverture, François Sauvadet, président de Départements de France, a posé un diagnostic sans détour : « Cinquante-quatre départements sont en situation de quasi-faillite. » Selon lui, les collectivités sont « prises en étau », confrontées simultanément à l’explosion des dépenses sociales et à la chute brutale des recettes immobilières, sans levier fiscal pour amortir le choc. Il a rappelé que l’État ne compensait qu’à « 30 % » les prestations destinées « aux personnes âgées » ou « aux personnes handicapées », alors que, en « deux ans et demi », les départements avaient dû absorber « six milliards d’euros de dépenses supplémentaires». Son avertissement a été clair : « Ça fait trois ans que j’alerte. Je leur dis : on va droit dans le mur. »
Une inquiétude devenue réalité
Les exemples concrets ont illustré ce qu’il a décrit. En Gironde, un déficit de 97 millions d’euros frôle la mise sous tutelle. Dans d’autres territoires, les coupes budgétaires ne sont déjà plus hypothétiques : sept centres de santé sexuelle fermés dans un département, aides culturelles drastiquement réduites dans un autre, restrictions en cascade pour les associations ou le sport. Les présidents de conseils départementaux ont expliqué, chacun à leur manière, qu’ils en sont venus à préserver coûte que coûte les solidarités — enfance, autonomie, insertion — en réduisant tout ce qui n’était pas strictement obligatoire. Certains ont évoqué un « travail de dentellière », d’autres ont parlé d’une « bombe à retardement » liée au report d’investissements sur les routes ou les collèges.
Un geste attendu du Premier ministre
Dans ce contexte tendu, l’intervention de Sébastien Lecornu a été scrutée. L’ancien président de département a annoncé que le gouvernement déposerait un amendement pour porter de 300 à 600 millions d’euros le fonds de sauvegarde destiné aux collectivités les plus fragilisées. L’annonce correspond point pour point à la demande formulée quelques heures plus tôt par François Sauvadet. Le Premier ministre a ajouté avoir « donné mandat » à ses ministres pour rouvrir le dossier du Dilico, dispositif fiscal vivement contesté, et plaidait pour « réformer en profondeur les agences régionales de santé », en réaffirmant une « part régalienne du sanitaire » et en renforçant le rôle des préfets dans la planification locale des soins. Cette prise de position a été saluée, mais François Sauvadet a prévenu d’emblée que le soulagement serait provisoire : « Je lui ai demandé d’arrêter de charger la barque des départements. » Selon lui, les 600 millions permettraient « d’avoir la tête hors de l’eau », mais la question du modèle financier demeure entière.
La voix mosellane dans un débat national
Au cœur de cette séquence, Patrick Weiten, Président du Département de la Moselle, présent à Albi, a évoqué « trois jours d’échanges riches et constructifs », remerciant les organisateurs tarnais pour leur accueil. Il a expliqué avoir porté, « aux côtés d’élus départementaux », les priorités désormais partagées : un financement pérenne, des moyens réellement alignés sur les compétences confiées, une action urgente face à la crise de la protection de l’enfance et la reconnaissance du rôle stratégique des départements dans la cohésion territoriale. Après un échange direct avec Sébastien Lecornu, il a qualifié d’« important » le signal d’un « dialogue renouvelé » en vue d’un nouvel acte de décentralisation, tout en affirmant que les départements resteraient « attentifs, exigeants et pleinement mobilisés ». Il a rappelé également que « la Moselle poursuivra son engagement dans cette dynamique collective », fidèle à ses valeurs de solidarité, de proximité et de responsabilité. Pour lui, le chiffre selon lequel « 84 % des Français restent attachés à leur Département » confirmait que ces institutions demeuraient essentielles à la vie quotidienne et à l’équilibre des territoires.
En quittant Albi, élus et ministres ont su qu’un premier pas avait été franchi. Mais le soulagement ne masque pas l’essentiel : l’urgence immédiate ne règle pas la fragilité structurelle du modèle départemental. Les semaines à venir diront si le geste du gouvernement marque un tournant, ou seulement un répit dans une tempête budgétaire appelée à durer.






