À Ancy-Dornot, village historique de vignerons, l’auberge du Lion d’Or s’éveille chaque jour comme un phare s’allume. Cet ancien café de village est devenu un restaurant prisé, sans perdre son atmosphère campagnarde originelle, ni sa simplicité de l’accueil. L’esprit de famille qui règne en cuisine et en salle y contribue. Aujourd’hui, alors que Francine et Daniel Jotz ont décidé de « lever le pied », leur fils Julien reprend l’affaire. Cet ancien ingénieur en électricité, reconverti dans la cuisine il y a dix ans, chérit l’âme du lieu avec une nouvelle équipe.
Le voilà en quelque sorte chargé d’âme. Julien Jotz, 45 ans, reprend officiellement la gérance du Lion d’or, que ses parents, Francine et Daniel, avaient acquis en 1983. Point de désertion, le couple prend simplement du champ mais ne manquera pas de venir filer un coup de main. Ce café devenu dans les années 90 principalement restaurant se confond avec l’histoire d’Ancy-sur-Moselle : « Abel Mondon, l’oncle de Raymond, l’a tenu dans les années 1920 », rappelle Francine, Ancéenne de naissance et dont la grand-mère avait pour cousin Raymond Mondon, né ici, maire de Metz de 1947 à sa mort, en 1970, et ministre des Transports dans le gouvernement de Jacques Chaban-Delmas à la fin des années 60 : « Il aimait bien venir ici, et quand il venait voir sa maman dans la maison familiale, un peu plus bas, il me donnait un broc et m’envoyait chercher de la bière, il ne voulait pas toujours venir au café car il était très sollicité. Henri, le père de Raymond, lui, était vigneron », dans ce village qui contribue depuis des lustres à la réputation des vins de Moselle. Quatre domaines demeurent : Buzéa, Coteaux de Dornot, les Béliers et la Joyeuse. Et sur les cinq pages de vins que propose le restaurant, deux sont exclusivement dédiées aux vins de Moselle.
C’est donc le 10 juillet 1983 que Francine et Daniel Jotz inaugurent leur café. Une première semaine agitée dont ils se souviennent, particulièrement d’une bagarre, la veille de la Fête nationale : « C’était important le 13 juillet, il y avait beaucoup de monde au-dessus, à quelques pas de chez nous, où il y a l’école aujourd’hui, et les gens faisaient l’aller-retour entre ce lieu et notre café, ils buvaient ici, ils repartaient là-haut, et ainsi de suite. Et à un moment, des jeunes du village se sont battus dans le café, il y en a un qui est passé par la fenêtre, un autre a cassé une chaise », fracassée sur le dos d’un troisième larron. Tout ce petit monde se réconciliait le lendemain sur les bords du même zinc et Daniel occasionnellement faisait chauffeur pour emmener les jeunes en boîte de nuit. Une époque ! Quand ces cafés formaient un réseau social de chair et d’os, quand l’arrière-salle du Lion d’or (utilisée ensuite pour l’agrandissement du restaurant) abritait les billard, flipper et baby-foot. Francine Jotz : « On accueillait beaucoup les jeunes du village, ce n’était pas l’époque des facebook ni des téléphones portables. Même le soir du réveillon, on ouvrait jusqu’à 21h ou 21h30 ». Julien est alors un bambin et tandis que ses parents tiennent le bar, il prépare avec son frère le repas de la Saint-Sylvestre, à l’étage de la maison. Julien Jotz : « Quand on était des minots, mon frère et moi, on restait en haut. Plus tard, plus grands, on descendait et on est devenus des champions de billard et de flipper. On allait voir les anciens jouer à la belote ou au tarot ». Daniel Jotz : « Quand on était au service, ils nous préparaient à manger en haut ». Une vie de famille intimement liée à la marche de l’entreprise et à l’énergie d’un village.
Dans les années 90, le Lion d’or évolue et se transforme en restaurant, tout en conservant la partie bar. C’est aussi la période où se crée à Ancy la Confrérie de la tête de veau. Au menu, une gastronomie artistique, de l’art de la bonne chère, à la mode Brillat-Savarin (« tout ce qui a rapport à l’homme »), en un mot comme en cent, une gastronomie humaniste, celle qui réunit les gens et les rend heureux. Pas de frime, la famille Jotz sert une atmosphère simplement bonne et privilégie les plats traditionnels (assiettes campagnardes, escargots, terrine de foie de volaille maison, soupe de pois, œuf cocotte, omelette, boudin, bœuf bourguignon, blanquette, andouillette, tête de veau, cuisse de canard…) avec des produits principalement locaux, et même maison, de leur propre jardin (pour une partie des légumes et fruits). Un tout qui lui a valu, il y a dix ans, de figurer dans la première liste des labellisés Qualité MOSL, et de voir se pointer une clientèle diversifiée, d’ici et d’ailleurs. Parmi elle, quelques huiles viennent et reviennent, députés, ministres, avocats, stars du foot ou du petit écran, dont le ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon, le patron de presse Jean-François Kahn, l’animateur de France 2 (Affaire conclue) Julien Cohen, ou l’ex-patron du FC Metz Carlo Molinari.
Cette année 2025, charnière dans l’histoire du Lion d’or, Julien Jotz la résume d’abord en un engagement, presque un serment : « à l’heure de la retraite de mes parents, je ne voulais pas que l’affaire s’éteigne. Ici, c’est aussi la maison où j’ai grandi, je ne l’oublie pas ». Au-delà, le nouveau gérant affiche une envie et des idées à la pelle, sans zapper l’enjeu de faire évoluer le restaurant dans le respect d’une tradition culinaire et familiale. Julien Jotz travaille ici depuis 2016, l’année où il opère un retour aux sources (lire par ailleurs). Depuis, il a apporté sa patte, en cuisine avec de nouveaux plats mais aussi dans le rayonnement, plus large géographiquement, du restaurant. Le quadra maîtrise les nouveaux médias, devenus de gros influenceurs pour les adeptes de bonnes tables. Et l’on a vu se poser au Lion d’or bon nombre de caméras, celles de TF1, M6, Moselle TV, France 3 et d’autres. En 2024, il intègre la sélection d’une nouvelle émission de M6, La meilleure cuisine régionale : « J’ai été intégré au casting, puis retenu, en partie grâce à la visualisation de mes réseaux sociaux ». Attentif aux évolutions des modes de consommation et de promotion des sites gastronomiques, mais fidèle à une histoire.
Entre savoir-faire et faire-savoir
Pour Julien Jotz, l’enjeu de la reprise de l’entreprise de ses parents s’articule autour d’un équilibre : prolonger une tradition, aux fourneaux et en salle, et innover. Si le Lion d’or bénéficie d’une solide réputation, un restaurateur connaît le danger de s’endormir sur ses lauriers. Julien Jotz ne néglige rien, ni le savoir-faire, ni le faire-savoir, ni l’avant, ni l’après : « On ne se prend pas pour ce qu’on n’est pas et on fait ce qu’on sait faire. On évolue tout en restant sur ce que mes parents ont fait ». C’est avec eux qu’il prend la décision, en 2016, de revenir. A l’origine ingénieur au sein du groupe Eiffage, il décide de rallier le lion familial, afin de concilier mieux ses vies professionnelle et familiale. « On a beaucoup réfléchi ensemble, notamment pendant le covid, sur de nouveaux plats, par exemple le Lor’Burger ou le Tiramisu aux mirabelles », tout en conservant ce qui a fait la renommée du lieu. L’équipe, aussi, change, y compris du fait de la hausse de l’activité. En cuisine, Maxance Thomas est arrivé il y a deux ans. Et au service en salle, les clients ont découvert depuis peu Sarah Vevert.