Ce n’est pas nouveau, et c’est légitime et nécessaire : notre pays s’interroge sur sa police. Plusieurs actes de violence policière ont réveillé ce débat. Trop souvent, nous résumons le sens du mot débat au conflit, opposant des camps, deux en l’occurrence, pro-flics et pro-victimes. Trop souvent, nous pratiquons l’amalgame, sciemment ou pas. Nous ne prenons plus la peine de coller le bon article au bon endroit : des policiers violents et les policiers violents, cela n’indique pas la même problématique et crée une confusion entre la règle et l’exception. Je m’autorise à pomper sur Lamartine* pour colorier mon propos : une seule lettre vous manque et tout est déformé.
Soyons précis, surtout lorsque nous abordons des sujets sensibles, et méfions-nous du réflexe de l’émotion – sans cesse sollicitée dans notre univers du tout-image –, parfois bonne conseillère, menant aussi à l’imposture. Pour sortir du confort du tout-noir ou du tout-blanc, et approcher la vérité, jamais simple ni transparente, il suffit d’écouter.
Par exemple Olivier Marchal, réalisateur et ancien inspecteur à la PJ : « Policier est un métier dont il faut rester fier. Il doit être mieux considéré, mieux reconnu. L’écrasante majorité des policiers fait son travail du mieux qu’elle peut, dans des conditions très difficiles. Il ne faut jamais oublier que les policiers sont au service de la population ».
Par exemple Hedi, victime d’un passage à tabac par la Brigade anti-criminalité (BAC) de Marseille : « Avec mon ami, on a croisé une équipe de la BAC. On leur a dit bonsoir, et on a vu qu’ils n’avaient pas envie de discuter avec nous. Et ensuite, voilà, ça a commencé. En me retournant, j’ai reçu un impact à la tête. Quand j’ai voulu me relever, on m’a attrapé et traîné dans un petit coin où il faisait tout noir. Ensuite, on a commencé à me frapper. Il y en a un qui était allongé sur moi, donc je ne pouvais pas bouger (…). Je me suis fait casser la mâchoire. À aucun moment, on ne m’a demandé mes papiers (…). J’ai voulu ensuite me toucher la tête mais je n’ai pas senti mon crâne ».
Les uns reprocheront à Olivier Marchal de défendre sa corporation. Les autres accuseront Hedi de raconter ce qu’il veut. Dès lors, il ne sera pas compliqué de dénicher des témoignages corroborant ces deux points de vue, à ne surtout pas opposer. Olivier Marchal et Hedi représentent un même visage de la République, celle qui doit se défendre, si nécessaire avec l’usage de la force, et celle qui doit dénoncer toute tentative d’abîmer nos libertés.
(*) Un seul être vous manque et tout est dépeuplé, Alphonse de Lamartine dans L’isolement, Méditations poétiques, 1820.