Après The Square, le réalisateur suédois Ruben Östlund est de retour pour un film mordant se jouant des très riches de ce monde. À la clé, une critique acerbe mais non sans humour des excès du capitalisme.
Ruben Östlund est l’un des réalisateurs les plus en vogue ces dernières années. La preuve : il fait partie du prestigieux club des quelques cinéastes ayant doublement été récompensés par la Palme d’Or. En 2017, The Square, son long-métrage dérangeant sur le monde de l’art, recevait déjà la consécration ultime du Festival de Cannes. Rebelote cette année, avec Sans filtre, qui garantit aux spectateurs fous rire et scènes de malaise pesant. Si sa sortie en salle est très attendue, elle est aussi endeuillée par la mort soudaine, le 29 août dernier, de l’actrice Charlbi Dean à 32 ans à peine, laquelle incarne l’un des rôles principaux. Dans Sans filtre, on suit Yaya et Carla. Le premier est mannequin, mais sa carrière semble être mal en point : au cours d’une audition, l’un des directeurs artistiques commente avec dédain sa ride du lion, entre les sourcils (que l’on traduirait en anglais par « triangle of sadness », expression qui donne son titre original au film). Carla, sa petite amie, est influenceuse : grâce à ses millions de followers sur Instagram, elle obtient une croisière gratuite sur un yacht de luxe. Après la Fashion Week, le couple décide d’y prendre part. Sur le paquebot, ils retrouvent leurs pairs : les ultra-riches. L’un deux, notamment, est un oligarque russe. Un autre est britannique et tire sa fortune du trafic d’armes. Le temps est aux mondanités, tandis que le personnel se plie à tous les desiderata des passagers. Parmi l’équipage, la chef de cabine dirige ce petit monde d’une main de fer, pendant qu’Abigail nettoie les toilettes, sous le regard méprisant ou indifférent de chacun. Alors qu’un diner gargantuesque se prépare pour le divertissement des invités, le capitaine du bateau refuse de sortir de sa cabine : cet Américain ne jurant que par Karl Marx est en proie à la dépression. Les choses se corsent davantage à l’arrivée d’une tempête, dont les ravages viendront bouleverser les rapports de force entre les voyageurs et les membres de l’équipage. Prévenons tout de même les émétophobes que certaines scènes risquent de les faire grincer des dents…