À Dieuze, le président du Département, Patrick Weiten, a multiplié les annonces à l’occasion de la réunion trimestrielle du Conseil départemental. De la rénovation de l’hémicycle aux enjeux de mobilité, de l’avenir des collèges à la restauration scolaire, des dossiers industriels à la question du sport et des finances, il a tenu à dresser un panorama complet des défis à venir.
Un hémicycle modernisé pour incarner la proximité
La conférence de presse du Conseil départemental ne s’est pas tenue à Metz, comme à l’accoutumée, mais à Dieuze. Cette délocalisation n’avait rien d’anecdotique : elle a été imposée par le vaste chantier de rénovation de l’hémicycle départemental. Construit dans les années 1970, le bâtiment ne répondait plus ni aux normes sanitaires ni aux exigences contemporaines d’accessibilité et de confort. « La moquette datait de 1974, les murs étaient en liège et la scène n’était pas accessible aux personnes à mobilité réduite. Il fallait agir. » L’objectif est triple : rendre la salle plus saine, plus moderne et surtout plus inclusive. Désormais, l’éclairage sera optimisé pour réduire la consommation énergétique, les équipements numériques permettront des séances mieux connectées, et la scène, entièrement repensée, accueillera sans difficulté les élus et citoyens à mobilité réduite.
Mais le président a tenu à souligner que cette transformation n’était pas qu’une affaire de technique. Elle revêt aussi une dimension symbolique. Le Département prévoit de baptiser plusieurs salles en hommage à des personnalités mosellanes disparues, figures de mémoire et de fierté pour le territoire. « Nous voulons rappeler la mémoire de ceux qui ont marqué notre territoire. C’est toujours un exercice sensible, mais essentiel », a expliqué Patrick Weiten.
Cette logique mémorielle s’applique également au futur collège de Saint-Avold. Anciennement appelé « collège de la Carrière », il portera bientôt un nouveau nom. « Il n’y a plus de carrière depuis longtemps. Nous devons trouver un nom porteur de sens », a insisté le président. Derrière ces décisions se dessine une volonté claire : conjuguer modernité et mémoire, pour inscrire durablement l’action politique dans une histoire collective assumée.
La coopération régionale au cœur des enjeux
Autre sujet majeur abordé à Dieuze : la coopération avec la Région Grand Est. Patrick Weiten a confirmé avoir invité son président, Franck Leroy, à venir s’exprimer devant l’assemblée départementale. Une manière de renouer avec une tradition déjà établie sous les mandats de Philippe Richert et de Jean Rottner. « Il est normal que les territoires de la Moselle puissent dialoguer directement avec le président de Région », a-t-il insisté.
Les dossiers sur la table sont nombreux. Le plus volumineux, au sens propre comme au figuré, reste la révision du SRADDET (Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires). Ce document fleuve de 1 800 pages, censé orienter l’avenir du Grand Est, laisse le président sceptique : « Cela ne peut pas être seulement un empilement de normes. Un tel document doit traduire une politique, sinon il devient risqué. »
Les mobilités constituent l’autre grand dossier. Le président a rappelé que trois lignes ferroviaires est-ouest restaient inexploitées, alors que les routes départementales sont saturées. « On ne peut pas se contenter de construire des giratoires pour faire tourner les gens en rond », a-t-il lancé, non sans ironie en plaidant pour une relance rapide du ferroviaire, seule alternative crédible à l’asphyxie des axes routiers.
Enfin, l’avenir de l’aéroport Metz-Nancy-Lorraine reste une question sensible. Situé sur sol mosellan, il est considéré comme stratégique pour l’attractivité du territoire. Pourtant, le Département n’a pas été associé aux discussions récentes menées par la Chambre régionale des comptes. Une situation jugée inacceptable par Patrick Weiten : « C’est une infrastructure stratégique, nous devons être associés à son avenir. » Et d’ajouter, en guise d’avertissement : « Le Luxembourg planifie déjà la construction d’un nouvel aéroport d’ici 2050. Eux se projettent, nous devons le faire aussi. »
Des collèges à reconstruire et des repas maintenus
L’éducation a occupé une large place dans l’intervention du président. Alors que la Région a décidé la fermeture de plusieurs lycées, notamment à Forbach, Behren et d’une partie du lycée Schuman à Metz, Patrick Weiten veut transformer cette contrainte en opportunité. « En Moselle, on ne ferme pas de collèges, on les reconstruit », a-t-il martelé. L’idée est de réutiliser ces emprises libérées pour bâtir de nouveaux établissements adaptés aux besoins du territoire. Dix projets de reconstruction figurent déjà dans la programmation départementale. Mais l’élu a rappelé la lourdeur des procédures : « Entre la décision et la livraison, il faut cinq ans. Nous n’avons plus de temps à perdre. »
Au-delà des murs, la restauration scolaire illustre la volonté du Département de conjuguer solidarité et efficacité. Chaque année, plus de trois millions de repas sont servis aux collégiens mosellans. Ils sont facturés 3,96 € aux familles, alors que leur coût réel dépasse 9 €. « Chaque repas représente près de 5 € pris en charge par le Département. Cela pèse 15 millions d’euros par an, mais nous avons choisi de le maintenir », a détaillé Patrick Weiten.
Un choix budgétairement lourd, mais politiquement assumé. « C’est une charge facultative, mais nous l’assumons pleinement. Il s’agit d’un investissement dans l’égalité des chances », a souligné le président, convaincu que la qualité de l’alimentation scolaire participe directement de l’avenir des jeunes générations.
L’alimentation locale comme levier économique : vers un « petit Rungis mosellan »
Pour aller plus loin, Patrick Weiten veut structurer l’approvisionnement en circuits courts. Il a rappelé le succès de la « baguette de Moselle », produite avec de la farine locale et l’introduction progressive de viande bovine issue du département. Mais, face aux volumes à fournir, il appelle à une organisation collective. « On ne peut pas demander à chaque petit producteur de livrer 25 000 repas par jour. Il nous faut une organisation collective », a-t-il expliqué. C’est l’origine de son idée de « petit Rungis mosellan » : une plateforme unique capable de réceptionner, transformer, conditionner et redistribuer les produits locaux vers les collèges, mais aussi vers les Ehpad et les écoles élémentaires. « Aujourd’hui, c’est encore artisanal. Demain, ce doit devenir une véritable filière, créatrice d’emplois non délocalisables », a-t-il insisté. Le projet, qui associe la Chambre d’agriculture et la Chambre de métiers, pourrait concerner à terme jusqu’à dix millions de repas par an. Pour le président, l’enjeu dépasse la restauration scolaire : il s’agit de soutenir l’agriculture mosellane, de garantir des débouchés rémunérateurs aux producteurs et de rapprocher les citoyens de leur alimentation. « Si nous parvenons à structurer ces filières, nous changerons d’échelle et offrirons de nouveaux débouchés à nos agriculteurs », a-t-il conclu, convaincu que « l’avenir se joue aussi dans l’assiette des collégiens ».
Des gymnases ouverts et des clubs fragilisés
La jeunesse et le sport n’ont pas été oubliés. Patrick Weiten a annoncé que quinze gymnases de collèges, jusque-là fermés en dehors du temps scolaire, seraient désormais ouverts aux clubs locaux. « Notre première priorité, c’est le handisport et le sport adapté. Aujourd’hui, seulement 1,3 % des personnes handicapées pratiquent une activité sportive en Moselle. Ce n’est pas acceptable », a-t-il affirmé. L’objectif est double : permettre aux clubs de jeunes de bénéficier de davantage de créneaux et favoriser l’inclusion des publics fragiles. Mais cela suppose aussi une organisation rigoureuse : sécurité, entretien, gestion des accès. « Ce n’est pas simple, mais nous y travaillons. C’est un héritage concret des Jeux olympiques », a expliqué le président.
Il s’est également félicité du succès du Conseil départemental des jeunes, instance qui fonctionne « remarquablement » et dont plusieurs anciens membres se lancent désormais en politique. Mais il a alerté sur les fragilités du tissu associatif : « Les petits clubs sont à bout de souffle. Ils manquent d’éducateurs, d’équipements et de moyens financiers. Or c’est là que naissent les champions de demain. » Pour lui, l’héritage olympique restera une coquille vide sans soutien massif au sport amateur. « Le grand sportif signe un jour sa première licence dans un petit club. Si ces clubs disparaissent, nous coupons la racine du sport français », a-t-il prévenu.
Une mission centrée sur le territoire
La question culturelle a suscité un échange direct. Interrogé sur l’absence du Département au festival de montgolfières de Chambley, organisé en Meurthe-et-Moselle, Patrick Weiten a répondu sans détour : « Ma mission, c’est la Moselle. Je préfère investir dans des événements mosellans que financer des manifestations hors de notre territoire. » Pour lui, la logique est claire : concentrer les moyens sur des événements locaux qui produisent des retombées directes pour le département. « On me reproche parfois d’être trop mosellan. Mais j’ai un mandat pour développer ce territoire, et je l’assume », a-t-il tranché.
Cette ligne, assumée mais parfois critiquée, illustre sa conception de l’attractivité : privilégier les manifestations ancrées dans le territoire, quitte à en froisser certains, plutôt que d’éparpiller les moyens au-delà des frontières départementales.
L’industrie mosellane face à l’épreuve
Le dossier industriel a cristallisé les propos les plus vigoureux. Patrick Weiten s’est insurgé contre l’échec du projet de reprise de l’aciérie NovAsco à Hagondange, malgré une aide publique de 85 millions d’euros. « Ce n’est pas un aciériste qui est venu, c’est un banquier. Je suis révolté », a-t-il lancé. Pour lui, la fermeture de ce site serait une catastrophe à la fois économique et symbolique. « Quand on touche à l’acier, on touche au socle même de notre histoire. Schuman, c’était le charbon et l’acier. Nous ne pouvons pas laisser disparaître ce savoir-faire », a-t-il martelé. Le président s’est dit prêt à participer à toute initiative visant à sauver les 450 emplois menacés. « On ne peut pas imaginer rayer d’un trait 450 emplois. Si une table ronde s’ouvre, le Département sera présent », a-t-il assuré. Son appel vise à replacer l’industrie réelle au centre du débat, face à une logique financière qu’il juge destructrice.
Des finances sous tension et un plaidoyer pour la décentralisation
Enfin, Patrick Weiten a abordé la question budgétaire. Le plan Ambition Moselle, qui a mobilisé entre 125 et 130 millions d’euros et généré près de 700 millions de retombées, arrive à son terme. « Nous avons été un levier économique majeur pour nos entreprises », s’est-il félicité. Mais déjà, il prépare un nouveau schéma d’aménagement du territoire, avec un accent mis sur les équipements structurants comme les piscines, alors que 40 % des élèves entrant en sixième ne savent pas nager.
L’horizon 2026 s’annonce toutefois sombre. « Nous devons trouver 50 millions d’euros. Avec 10 à 13 millions de dotations en moins et 40 millions de charges supplémentaires, l’équation est redoutable », a-t-il averti. Le président a rappelé que les droits de mutation immobiliers, seule recette dynamique du Département, étaient passés de 150 à 100 millions d’euros en deux ans. « Nos marges de manœuvre disparaissent. »
Pour sortir de cette impasse, il plaide pour un « acte 3 de la décentralisation ». « Si nous voulons regagner la confiance des citoyens, il faut redonner du pouvoir aux élus locaux. Le département et la commune restent les échelons de proximité », a-t-il conclu.