ÉDITO
Permettez-moi cet anglicisme tordu : le populowashing, une communication badigeonnée de langages et réflexes prétendument populaires, débarquant d’un monde abscons qu’un Premier ministre un jour résuma maladroitement avec « la France d’en bas ». Aujourd’hui, c’est un incontournable, il faut faire peuple, ça rapporte des voix, des clics et des points d’audience. C’est ainsi que des médias et groupes divers, de plus en plus nombreux, érigent la vulgarité et le simplisme en mode de pensée, conspuant les experts et les scientifiques. Il devient risqué d’avoir une réflexion structurée, étayée, intellectualisée… et lente.
Pourtant, la brutalité dans le verbe n’est l’apanage d’aucun groupe social. Pas plus que le raffinement n’est le privilège d’une caste. On constate facilement que la pratique de l’injure est équitablement répartie entre « l’élite » et les autres. Vous aurez noté que j’ai convoqué des guillemets pour enlacer l’élite, après relecture de la signification du mot : « Ensemble des personnes les plus remarquables (d’un groupe, d’une communauté) ».
Quand le philosophe Michel Onfray, l’élite donc, multiplie les propos insultants à l’égard de l’écologiste Greta Thunberg (l’élite aussi), on applaudit ou on condamne, mais on aurait tort de résumer Onfray à cela. De la même manière, ne résumons pas le peuple à la violence qui inonde les réseaux sociaux. L’abus de lecture de ces diatribes est dangereux pour la santé, mais au diable les froussards, cognons et rigolons. Un même sondage de 2024 révélait ces deux données : « 77% des Français déclarent proférer des insultes à d’autres Français », mais « 82% considèrent que ces violences ne permettent pas de régler les problèmes ».
Cette fureur, parfois souterraine et occulte, est principalement visible sur les réseaux sociaux, qui nous soumettent deux casse-tête. Les algorithmes, d’une part, qui favorisent la brutalité, voire la cruauté. Bertrand Périer, avocat et spécialiste de l’art oratoire : « Plus une émoticône est violente, plus on a de chances de faire le buzz. Quand on ne trouve plus les mots, on en vient à la violence, à l’insulte et aux gestes obscènes ». D’autre part, l’anonymat des utilisateurs demeure problématique. Il ne s’agit pas de l’interdire mais de le réglementer. Or, qui réglemente ? L’État, les collectivités, les institutions judiciaires et policières, la puissance publique. C’est un autre casse-tête de notre époque : la violence de quelques milliardaires libertariens, pour qui l’existence même de l’État est un problème.